Homélie du 27 août 2023   21ème dimanche temps ordinaire   Année A

27 août 2023   21ème dimanche temps ordinaire   Année A

Isaïe 22,19-23     Ps 137     Romains 11,33-36     Matthieu 16,13-20

Par le Pere Jean Paul Cazes

Dans quelques semaines, le Saint Père viendra à Marseille comme il vient de se rendre à Lisbonne : des jeunes de notre paroisse y étaient. J’espère qu’ils accepteront, un jour, de nous parler de ces JMJ.

 

Il y a longtemps, un sympathique paroissien d’une de mes anciennes paroisses avait établi, pour moi, la liste de dix raisons pour laquelle, selon lui, le Pape est le Pape. Je me souviens seulement de deux de ces raisons. La première était, toujours selon ce paroissien, que le Pape est chef d’Etat, ce qui est exact ; mais à cela j’ai répondu que pendant de nombreux siècles le Pape n’était pas chef d’Etat et que cela ne l’empêchait pas d’être Pape. La seconde raison de mon paroissien était que le Pape donne une bénédiction urbi et orbi, c’est-à-dire sur la Ville de Rome et sur le monde ; ce qui est exact, là aussi ; mais j’ai demandé à mon paroissien à quelle longueur il estimait la portée de ma bénédiction ; et comme il hésitait à répondre, je lui ai dit que le Pape et moi avions une bénédiction de même longueur, car la bénédiction ne vient pas du ministre qui la donne, mais du Seigneur. Par contre, j’ai ajouté que je comprenais très bien qu’on aime recevoir la bénédiction de la part du Pape.

Je ne me souviens plus si mon paroissien avait ou non évoqué l’infaillibilité pontificale. Vaste et épineuse question que cette infaillibilité ! D’autant que parmi les catholiques que nous sommes certains admettent ce dogme, alors que d’autres le rejettent. En fait, affirmer, sans précaution, que le Pape est infaillible, est inexact. Comme si, dès le moment de son élection, le nouveau Pontife était subitement branché en ligne directe sur Dieu le Père ! Dire que le Pape est infaillible, sans précisions, semble dire qu’il est infaillible sur tous les sujets, et qu’il est infaillible dès qu’il ouvre la bouche. Ce n’est pas vrai. Le Pape est infaillible, certes, mais dans le domaine de la foi, et dans des conditions extrêmement précises et limitées par le dogme lui-même. Par contre, le Pape a le droit, et même le devoir, d’aborder des questions d’ordre politique, social, économique, artistique et autres ; il le fait pour éclairer la pensée des catholiques et préciser leur action en ce monde. Pour cela, il n’a pas besoin de proclamer un dogme chaque fois qu’il parle ou qu’il écrit.

Le dogme de l’infaillibilité pontificale a été précisé en 187O, lors du premier concile du Vatican. Depuis lors, seul Pie XII s’en est servi, en 1950, pour proclamer le dogme de l’Assomption de Marie. La question se pose de savoir si l’enseignement d’un Pape est important seulement lorsqu’il proclame un dogme ; si oui, l’enseignement de Jean XXIII, de Paul VI, de Jean-Paul Ier, de Jean-Paul II, de Benoît XVI et de François ne compte pas. Or, vous savez bien que ce n’est pas le cas. Les Papes nous guident par ce qu’on appelle leur ministère ordinaire, leur ministère quotidien. Prenons un exemple récent : l’encyclique Laudato si, signée par François, a revêtu une grande importance, au-delà même des frontières de l’Eglise catholique. Pourtant, cette encyclique ne proclame aucun dogme nouveau. Mais elle offre aux catholiques et à tous les hommes de bonne volonté un enseignement fondé sur la Bible et sur la pensée des premiers siècles chrétiens au sujet de la Création. Ce sujet ne peut être uniquement scientifique : il a une grande portée sociale et spirituelle que l’enseignement de François développe pour notre plus grand bien.

 

Comme vous, j’ignore ce que François va dire lors de son séjour à Marseille. Il parlera probablement des migrants. Il est possible que certains catholiques soient d’accord avec lui, alors que d’autres ne le soient pas. Sur ce sujet-là, comme sur l’écologie, il n’est pas infaillible. Un bon catholique a le droit de ne pas être d’accord avec le Pape sur des sujets semblables ; mais avant de critiquer la position du Pape, il faudrait d’abord la recevoir avec respect, et se demander ensuite si on a les mêmes informations que lui.

St Pierre s’est vu confier sa charge non pas parce qu’il était le meilleur des Apôtres, ou le plus intelligent, ou le plus instruit ; il a même trahi le Christ comme Judas. Mais, contrairement à Judas, il ne s’est pas refermé sur lui-même, il s’est tourné vers le Christ. Pierre a été choisi par le Christ en raison de sa foi : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant. » Le ministère de Pierre et de tous ses successeurs est de nous conduire, toujours et toujours, à Jésus. Au cours de la dernière Cène, Jésus dit à Pierre : « J’ai prié pour que ta foi ne défaille pas. Et toi, quand tu seras revenu, affermis tes frères. »

 

Au cours de la longue histoire de l’Eglise, il y a eu des Papes indignes : et les Borgia ne sont pas les pires ! Il y a aussi eu des saints. L’Eglise catholique a eu la grâce, en ce dernier siècle, d’avoir été conduite par des Papes dont chacun fut remarquable à sa façon. Sachons en rendre grâce et remercier le Seigneur Jésus de nous donner, par son Esprit, des hommes capables de nous conduire au Père à travers les difficultés de notre monde.

 

 

Homelie du 11 juin 2023   Saint Sacrement du Corps et du sang du Christ

 

Deutéronome 8,2-3+14b-16a     Ps 147     1 Co 10,16-17     Jn 6,51-58

Par le Père Jean Paul Cazes 

Il fut un temps, pas si éloigné de nous, où la fringale de la communion avait saisi certains de nos ancêtres. Ils couraient de messe en messe pour pouvoir communier, sans pour autant participer à la messe. Ils pensaient que le salut chrétien consistait dans le nombre de communion. Voilà pourquoi l’Eglise, sagement, a souhaité, et souhaite toujours, qu’on ne communie pas plus d’une fois par jour ; même aux prêtres il est demandé de ne pas dire plus de trois messes dans le même week-end, ce qui est parfois impossible si le prêtre doit dire trois messes dans sa paroisse et courir ensuite en célébrer une quatrième dans un camp scout.

Communier fréquemment fut le souhait de St Pie X qui abaissa l’âge de la première communion pour les enfants. Communier fréquemment, certes, mais pas frénétiquement ! En tout, il faut de la sagesse, même en cette matière. Car ce n’est pas au nombre de communions reçues au cours de notre vie que nous serons sauvés. C’est le nombre de communions bien reçues et fécondes qui nous conduira vers la Trinité.

Mais alors, me direz-vous, qu’est-ce qu’une communion bien reçue et féconde ? Quels en sont les critères ? Il y en a évidemment un grand nombre, je ne pourrai pas les nommer tous en une seule homélie. Mais je souhaite en préciser au moins deux.

Le premier est exprimé dans la prière de communion du 27èmedimanche du temps ordinaire ; vous pourrez la retrouver dans votre missel, ou votre site internet. Je la cite : « par la communion à ce sacrement, comble notre soif et notre faim de toi ; afin que nous puissions devenir ce que nous avons reçu. » Je souligne : « afin que nous puissions devenir ce que nous avons reçu. »   Que recevons-nous ? Le corps et le sang sacramentels du Christ. En conséquence, il nous faut chercher à devenir de plus en plus le Corps ecclésial du Christ. Car vous savez bien que le corps du Christ est tout autant présent par le sacrement eucharistique que par l’Eglise, toute pécheresse qu’elle soit.

Puisque nous recevons le sacrement du corps et du sang du Christ, nous devons construire le corps du Christ qui est l’Eglise. Le brave chrétien qui viendrait pieusement communier le dimanche et qui s’en retournerait chez lui sans plus penser qu’à sa petite vie tranquille, pourra bien dire : « Nous avons mangé et bu devant toi… » il s’entendra répondre : « Je ne sais d’où vous êtes. Eloignez-vous de moi … » Cette citation vient de l’évangile selon st Luc, au chapitre 13, versets 26 et 27

On ne communie pas pour obtenir des points de bonne conduite : on communie au corps du Christ pour devenir partie prenante du corps du Christqu’est l’Eglise. L’eucharistie et l’Eglise marchent ensemble ; personne ne peut les dissocier ; des deux, on peut dire ce que le Christ dit du mariage : ne séparons pas ce que Dieu a uni. Communier lors de la messe (ou chez soi quand on est malade) nous rend acteurs de la construction de l’Eglise, de son action dans ce monde, c’est-à-dire de sa mission qui est d’annoncer le Christ, d’une manière ou d’une autre, à nos contemporains, là où nous sommes, dans l’état de vie dans lequel nous nous trouvons actuellement.

 

Le second critère d’une communion bien reçue se trouve dans la fécondité de l’évolution de notre vie spirituelle personnelle.

Une communion bien reçue produit l’inverse d’un repas ordinaire. Lors d’un repas, les aliments que nous consommons deviennent notre chair et notre sang ; c’est eux qui entrent en nous. Lors d’une communion, quand nous recevons le corps et le sang du Christ, c’est nous qui sommes assimilés en lui ; c’est nous qui devenons peu à peu ce qu’il est. Lui se fait nourriture pour nous ; nous devenons alors nourriture pour les autres. Mais une nourriture peut devenir immangeable : nous qui fréquentons l’eucharistie, sommes-nous mangeables ? Nous pleurons devant la diminution des pratiquants (d’ailleurs, ici, nous n’avons pas trop à nous plaindre) ; mais, si les églises se vident plus ou moins lentement, sommes-nous certains que c’est uniquement pour des questions de liturgie et de latin ? Sommes-nous certains que notre manière de vivre, durant la semaine, donne faim à ceux que nous rencontrons ? Pour attirer, il faut proposer quelque chose de nourrissant : le sacrement de l’eucharistie peut-il attirer par lui-même si ceux et celles qui le reçoivent ne montrent pas qu’il les nourrit, les transforme et les rend heureux d’être chrétiens ?

 

Ce que je vous dis n’est pas destiné à ralentir votre désir de recevoir l’eucharistie, au contraire. Mais vous savez bien que la routine nous guette toujours. Voilà pourquoi il nous est bon de reprendre de temps en temps conscience de la portée et des conséquences de ce que nous faisons lorsque nous recevons le corps du Christ en vue de ne constituer qu’un seul corps, nous qui avons tous part à un seul pain, comme l’écrit Paul.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Homélie du 4 juin 2023   Sainte Trinité 

Exode 34,4b-6+8-9     Ct Dn 3     2Co 1311-13     Jn 3,16-18

Par le Père Jean Paul Cazes 

Un philosophe, Gabriel Marcel, avait comparé un problème et un mystère. Sur un tableau noir, il avait tracé deux cercles égaux. L’intelligence faisait peu à peu le tour du premier ; et, quand le tour était achevé, le cercle disparaissait puisque le problème était résolu. Quant au second cercle, l’intelligence y entrait, car elle était faite pour cela, mais elle ne finissait jamais de découvrir l’ampleur du mystère et de s’en émerveiller.

Cela signifie que notre intelligence est faite pour le problème comme pour le mystère ; mais elle résout le premier et contemple le second. Elle fait disparaître le premier, et découvre sans cesse le second. Elle enferme le premier dans son raisonnement, elle est contenue par le second. Le problème est maîtrisé par notre intelligence, alors qu’elle s’émerveille et ne cesse de découvrir l’ampleur du mystère.

Je vous dis cela pour affirmer, une fois encore, que le mystère de la Sainte Trinité n’est pas une question de mathématique idiote ou 3 serait égal à 1. Il ne s’agit pas de mathématique, il s’agit de relation d’amour. Notre foi affirme que trois personnes distinctes, de même nature et d’égale dignité, s’aiment à ce point qu’elles ne forment qu’un seul Dieu ; ce n’est pas plus improbable que ce que disent tous les fiancés : ne faire plus qu’un par amour dans l’unité de leur nature humaine et le respect de leur égale dignité. Mais ce que le couple humain a tant de peine à réussir, les trois personnes divines le réalisent pleinement ; c’est pourquoi elles sont à l’origine de tout amour vrai.

Si le Dieu-Trinité est à l’origine de tout amour vrai, c’est parce qu’il vit cet amour de l’intérieur. Il ne peut nous demander d’aimer que parce que l’amour fait partie de sa propre vie ; mieux : l’amour est sa vie. St Jean écrit que Dieu est amour (1 Jn 4, 8, 16). Il ne s’aime pas lui-même égoïstement, comme s’il était renfermé sur lui, mais, entre les Trois personnes l’amour est une sorte de va et vient permanent. Et ce va et vient, cet échange permanent est fécond, comme est fécond l’échange d’amour entre les époux. L’amour en Dieu donne naissance au monde de manière permanente : Dieu ne cesse d’être créateur par amour comme les parents sont procréateurs par amour.

Le parallèle entre l’amour humain et l’amour qui unit les Trois personnes divines ne vient pas de moi, il est présent tout au long de la Bible depuis le début dans la figure d’Adam et Eve jusqu’au dernier chapitre de l’Apocalypse où l’Eglise est assimilée à une épouse qui attend impatiemment son époux (je cite) : « L’Esprit et l’épouse disent : Viens ! » (Apo 22,17)

 

Une autre manière d’aborder la sainte Trinité serait de de voir comment tout ce que nous disons et pensons de la personne humaine trouve son origine en elle. Nous sommes fiers, à juste titre, de la déclaration des droits de l’homme. Nous nous en réclamons chaque fois que les états totalitaires bafouent ces droits. Nous attendons de nos dirigeants qu’ils aient le courage de les rappeler dans leurs négociations internationales. Or, tous ces efforts pour promouvoir les droits de la personne humaine ont pour origine lointaine la méditation des pères de l’Eglise sur ce qu’est une personne à l’intérieur de la Trinité. Peu à peu, ils ont réussi à préciser ce que sont les personnes divines, ce qui a eu comme conséquence une meilleure vision de ce qu’est la personne humaine à l’image de la personne divine. D’une certaine façon, on peut affirmer que notre civilisation de la personne trouve ses racines en l’affirmation des Trois personnes en un seul Dieu.

En tout cela, notre intelligence est à l’œuvre pour inventorier la richesse de la foi en la Sainte Trinité. Mais si nous pensions parvenir un jour à tout savoir à son sujet, nous serions dans l’erreur. Ce serait la même erreur que d’affirmer que la fresque qui orne le cul de four de notre église est la Sainte Trinité. Non, cette fresque n’est pas la Sainte Trinité ; elle essaie de la traduire par des formes et des couleurs ; mais la sainte Trinité est bien autre chose que cette fresque, et bien au-delà. Personne d’entre nous, et pas même l’Eglise y compris dans ses plus hautes instances, ne peut affirmer connaître totalement la Sainte Trinité. Nous ne connaissons même pas totalement les personnes avec qui nous vivons, et pourtant, nous continuons à les croiser, à leur parler, car leur fréquentation est pour nous source de vie. De même la Trinité à laquelle nous ne pensons pas tout le temps, mais que nous marquons sur notre corps chaque fois que nous traçons sur nous le signe de la croix.

 

Même si, au point de vue esthétique, je n’apprécie pas spécialement notre fresque, je trouve très significatif qu’elle orne le chœur de notre église. Le simple fait d’entrer dans cette église est comme le symbole d’un cheminement spirituel : nous pénétrons par la porte d’entrée, nous cheminons vers le chœurpar la Parole et l’eucharistie ; grâce à Jésus crucifié et ressuscité, nous montons vers la Trinité. Et c’est finalement dans sa vie d’amour partagé que nous trouverons notre vie éternelle, nous dont la vocation est d’être divinisés.  

Alors, comme l’écrit Paul aux chrétiens de Corinthe, « Que la grâce du Seigneur Jésus-Christ, l’amour de Dieu et la communion du Saint Esprit soient avec vous tous », vous, chrétiens de Courbevoie. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Homélie du 14 mai 2023    6ème dimanche de Pâques  Année A

Actes des Apôtres 8,5-8+14-17     Ps 65     1P 3,15-18     Jn 14,15-21

Par le Père Jean Paul Cazes 

St Pierre, dans l’extrait de sa première épître entendu il y a un instant, nous recommande d’être prêts, à tout moment, à rendre compte de notre foi à ceux qui en doutent ou même qui la combattent. Il précise qu’il faut le faire avec douceur et respect.

Nous savons tous que cela est difficile. Qui d’entre nous, au bureau, en famille, ou au cours d’une discussion, n’a pas hésité à prendre position pour défendre notre foi ? Pour ouvrir la bouche, il faut une bonne dose de courage et une grande confiance en l’Esprit Saint. Mais, quelles que soient les difficultés, la demande de St Pierre demeure toujours valable : nécessité de témoigner de notre foi.

Cependant, je me demande si nous témoignons bien de la foi chrétienne. Nous pensons à Dieu, nous prions Dieu, nous parlons de Dieu, mais est-ce à la Sainte Trinité que nous pensons ? Car la Trinité semble être une difficulté supplémentaire pour beaucoup de chrétiens. Croire à la Trinité, qu’est-ce que cela change dans la foi ? Est-ce que croire à la Trinité nous aide à mieux vivre notre foi au milieu des contraintes de la vie quotidienne ? Est-ce que cette manière de voir n’est pas seulement un sujet de théologiens, bien éloigné des sujets de la vie contemporaine ? N’est-ce pas se torturer l’esprit alors que tant de problèmes requièrent notre attention et nos forces ? Ne suffit-il pas de croire en Dieu, tout simplement, et, pour ce qui est de la vie quotidienne, suivre les enseignements de Jésus, ce qui est déjà assez dur comme ça ?

La Trinité serait-elle donc une difficulté inutile ? En disant cela, je m’inspire du titre d’un théologien actuel qui a fait paraître un livre tout à fait remarquable sous le titre : « Dieu, un détour inutile ? » (éditions du Cerf) avec un point d’interrogation.

Pourtant, tous ceux et celles qui sont baptisés le sont au nom du Père, et du Fils, et du Saint Esprit. Nous avons commencé cette messe au nom du Père, et du Fils et du Saint Esprit et c’est ainsi qu’elle se terminera. Le Gloire à Dieu, le Je crois en Dieu nomment le Père, le Fils et l’Esprit. La prière eucharistique commence et finit par la glorification du Père, passe par l’invocation de l’Esprit sur le pain le vin et sur l’assemblée que nous sommes ; les paroles de la consécration actualisent les paroles de Jésus et le rendent sacramentellement présent au milieu de nous pour notre nourriture. Jésus, lorsqu’il forme ses disciples à la prière, ne leur apprend pas autre chose que le Notre Père ; et dans l’évangile d’aujourd’hui, il promet de nous donner l’Esprit de Vérité. Dans la même phrase, il évoque, avec lui, les deux autres personnes de la Trinité : « Moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre Défenseur qui sera pour toujours avec vous … »

Est-ce donc si important de croire à la Trinité ? Dire Dieu, penser à Dieu, prier Dieu, n’est-ce pas suffisant ? Non, effectivement. Le mot de Dieu, la réalité de Dieu n’est pas spécifiquement chrétien ; toutes les grandes religions parlent de Dieu. Alors, autant être musulmans, c’est plus simple ! Mais je ne crois pas que Mahomet a sauvé l’humanité. C’est Jésus-Christ, fils de Marie et Fils de Dieu, lui qui est vrai Dieu et vrai homme, qui, en nous donnant de son Esprit, nous uni au Père et fait de nous des fils et des filles du Père, en même temps que des frères et des sœurs les uns pour les autres. Et ceci est typique du christianisme. Typique de notre foi, celle dont Jésus-Christ est venu témoigner.

Il est évident qu’une pauvre petite homélie de douze minutes est incapable de rendre compte de la plénitude de notre foi en la Trinité. Si j’évoque ce sujet c’est, d’une part, parce que Jésus en parle lui-même et nous prépare à la Pentecôte. Et que, d’autre part, hier, dans la groupe « Vivre la Bible », j’ai senti la difficulté exprimée par plusieurs de penser à la Trinité ; voilà pourquoi je soulève cette question.

Question à laquelle je répondrai par un seul élément alors qu’il serait nécessaire d’évoquer tout ce qui relie notre vie chrétienne et la Trinité. Le seul élément que je vous soumets est celui-ci : si notre foi est de croire seulement en Dieu, sans aucune autre précision, alors, nous ne pouvons pas dire, en toute vérité, que nous sommes ses fils et ses filles. Si nous croyons en Dieu, sans autre précision, alors nous ne pouvons pas dire qu’il a envoyé son Fils unique pour nous sauver et nous rendre participants de sa divinité. Au mieux, nous serons les serviteurs de Dieu, alors que Jésus est venu faire de nous ses amis. : c’est lui-même qui l’affirme.

Croire que le Dieu unique est une unité d’amour et de respect entre le Père, le Fils et le Saint Esprit a des répercussions profondes sur notre vie de foi : nous sommes fils et filles du Père, frères et sœurs de Jésus et entre nous, temples du Saint Esprit.

C’est cette foi que st Pierre nous incite à défendre, avec douceur et respect, aux yeux de nos collègues de travail, de nos familles et de nos amis, avec l’aide et la force de l’Esprit de Vérité.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Homelie du 23 avril 2023   3ème dimanche de Pâques

Par le Père Jean Paul Cazes 

Actes des Apôtres 2,14+22b-33     Psaume 15     2P 1,17-21     Lc 24,13-35

 

« Le même jour, dit notre évangile, c’est-à-dire le premier jour de la semaine », le dimanche, le jour de la résurrection du Christ. Nous avons fait du dimanche le dernier jour de la semaine, le weekend, alors qu’il est le premier, le jour du renouveau, le jour de la vie qui triomphe de la mort.

Deux des disciples, qui étaient probablement présents lors de la dernière Cène, et qui ont vu tout ce qui s’est passé depuis, quittent Jérusalem, cœur de la foi juive. Symboliquement, ils quittent leur foi, comme beaucoup de nos contemporains ; ils se dirigent vers l’ouest, vers le soleil couchant ; ils quittent aussi leur espérance : « Nous espérions que c’était lui qui allait délivrer Israël ».On est probablement en milieu de journée; ils marcheront ainsi jusqu’au moment où le jour baisse.

Or, ils vont vivre le jour le plus extraordinaire de leur vie. Le Christ marche auprès d’eux mais ils ne le reconnaissent pas. Souvent on se demande pourquoi Cléophas et son compagnon n’ont pas reconnu Jésus. J’ignore la réponse exacte, mais je fais appel à notre expérience. Combien de fois, nous non plus, n’avons-nous pas reconnu Jésus présent dans notre vie ? Combien de fois, plongés dans nos difficultés et nos problèmes, n’avons-nous pas ressenti comme une absence de sa part alors qu’il marchait à nos côtés ?

Les deux disciples accumulent les signes de la résurrection sans pour autant percevoir la présence du Ressuscité. Ils citent les femmes qui sont allées au tombeau dès le matin ; ils citent les anges ; ils citent certains de leurs compagnons – certainement Pierre et Jean – et, malgré tous ces témoignages, leurs yeux restent fermés : ils ne reconnaissent pas Jésus ressuscité à leurs côtés. Une des raisons de leur cécité est probablement qu’ils s’étaient fait beaucoup d’idées sur ce que devait accomplir le Messie, justement comme délivrer Israël de la présence des romains. Comme nous lorsque nous enjoignons à Dieu d’accomplir telle guérison, de rétablir la paix dans un ménage ou entre pays en guerre, et que rien ne se passe comme nous voudrions que cela se passe. Alors, nous pleurons : « Où es-tu Seigneur ? Ne me laisse pas seul ! » Nous voudrions tellement que Dieu fasse ce que nous voulons ; nous avons tant de mal à voir qu’il fait autrement et tellement mieux !

Quelles sont les lunettes que nous suggère Jésus pour guérir notre cécité ? D’abord, notre intelligence. Je ne parle pas ici de QI, de quotient intellectuel. Je ne parle pas de diplômes et de connaissance de l’hébreu, du grec et du latin. Je parle de cette connivence que chacun de nous peut avoir avec l’Ecriture en la fréquentant de façon habituelle, ne serait-ce qu’ à travers les textes de chaque jour. Oui, l’Ecriture est difficile à comprendre, mais elle est d’autant plus difficile qu’elle est peu lue. Il en va de l’Ecriture comme d’une personne. Plus on fréquente quelqu’un, plus on partage sa vie et ses préoccupations, mieux on le connaît. Les premières lunettes que Jésus lui-même nous recommande est la lecture humble mais opiniâtre de l’Ecriture. Sinon, nous risquons, nous aussi, d’être des esprits sans intelligence, lents à croire tout ce que Matthieu, Marc, Luc et Jean ont écrit pour affermir notre foi.

Les secondes lunettes sont à l’évidence le partage du pain eucharistiquedont le récit d’aujourd’hui est un témoignage. Vous avez discerné, à l’écoute de cet évangile, la structure fondamentale de la messe que nous célébrons en ce moment : le temps de la Parole, durant lequel le Christ lui-même interprète l’Ecriture, puis le temps de l’Eucharistie pendant lequel, comme lors de la Cène, le Christ rompt le pain et le donne. Comme pour l’Ecriture, c’est la fréquentation assidue de la messe, et des autres sacrements, qui nous permet de comprendre le sens de ces gestes, non seulement avec notre intelligence, mais aussi avec le cœur.

« Alors leurs yeux s’ouvrirent et ils le reconnurent. » La messe n’est pas un acte magique ; c’est un acte pédagogique. Comme un bon instit, elle nous apprend peu à peu, à découvrir la présence du ressuscité dans la vie quotidienne comme il est présent dans la réalité eucharistique. Elle nous apprend à écouter avec attention les Ecritures ; elle nous apprend à découvrir le Christ vivant dans de très humbles réalités comme le pain et le vin ; elle nous apprend à devenir nous-mêmes nourriture pour autrui comme le Christ est nourriture pour nous ; elle nous apprend à pardonner comme le Christ nous pardonne. Elle nous apprend à témoigner du Christ auprès de nos familles, de nos amis, même si notre témoignage n’est pas reçu. Elle nous redonne foi et espérance : « A l’instant même ils se levèrent et retournèrent à Jérusalem » pour découvrir qu’ils ne sont pas seuls à croire, alors qu’ils se sentaient si seuls dans leur tristesse.

Non, nous ne sommes pas seuls à croire : les baptisés de Pâques nous le disent, eux qui ont ouvert les yeux. Nous sommes l’Eglise du Christ, cette Eglise qui, malgré ses défaillances et ses fautes, se lève encore et encore pour affirmer : « Le Christ est ressuscité ; en vérité, il est ressuscité ! »

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Homelie du 2 avril 2023    Dimanche des Rameaux   Année A

 

Isaïe  50, 4-7     Psaume 21     Ph 2,6-11     Mt 24,14 – 27,66

Par le Père Jean Paul Cazes

Nous sommes venus, ce matin, avec nos soucis, nos problèmes, nos peurs et nos questions. Nous sommes venus trouver un peu de réconfort, et nous avons raison.

Le Dieu que nous acclamons avec nos rameaux n’est pas un Dieu de colère mais de miséricorde. Il n’est pas un Dieu de vengeance, mais de pardon. Il n’est pas du côté de la mort mais de la vie.

Si quelqu’un d’entre nous pense venir adorer Jupiter, il se trompe : qu’il change son regard, qu’il se convertisse. Si quelqu’un d’entre nous a peur de Dieu, il se trompe : qu’il change son regard, qu’il se convertisse.

Nous sommes venus chercher des rameaux. C’est une bonne chose ; ils vont nous accompagner durant toute une année en étant accrochés à un crucifix, ou à une image, ou au-dessus d’une porte. Ils seront là non pas parce qu’ils portent bonheur car, par eux-mêmes, ils ne peuvent rien ; ce ne sont même pas des plantes médicinales. Par contre, ils seront là pour nous rappeler en quel Dieu nous croyons. Ils seront là pour nous rappeler que Dieu, par Jésus-Christ, se donne à nous. Jésus-Christ fait toujours le premier pas : il vient toujours vers nous, il se donne à chacun de nous, il donne sa vie, il donne sa présence. En réponse, il attend de nous que nous agissions de la même manière entre nous. Il attend que nous acceptions de nous pardonner, de nous respecter, de nous entraider. En un mot : de nous aimer. Non pas en nous embrassant d’une manière superficielle, mais en donnant notre vie les uns pour les autres.

Surtout, si vous n’êtes pas d’accord – et c’est votre droit – ne prenez pas de rameaux ; leur présence muette vous rappellerait trop le Dieu d’amour et de pardon auquel nous sommes tous appelés à nous convertir.

Mais, si vous êtes venus ce matin en espérant trouver un peu de réconfort au milieu de vos soucis, de vos problèmes, de vos peurs et de vos questions, alors, partez en paix avec vos rameaux, et que le Dieu de miséricorde vous accompagne tout au long de l’année.

Homélie du 19 mars 2023   4ème dimanche de Carême  Année A

Par le Père Jean Paul Cazes

1 S 16 ,1b +6-7+10-13a     Ps 22(23)     Ep 5,8-14     Jn 9,1-41

 

Les tentations de Jésus ouvrent le Carême. Elles nous rappellent que ces quarante jours sont une période de combat. Mais trop souvent nous réduisons le sens et la valeur de ce combat. Il tourne autour de résolutions que nous avons du mal à suivre ; il tourne autour d’efforts et de sacrifices que nous reprenons chaque année sans parvenir à les appliquer.

Oui, le Carême est vraiment un combat, mais un combat dont le but est de voir enfin la beauté du Seigneur et la nôtre. Voilà pourquoi le second dimanche de Carême est celui de la Transfiguration. Les yeux de Pierre, de Jacques et de Jean s’ouvrent enfin pour découvrir que Jésus est infiniment plus qu’un grand prophète : il est le Verbe de Dieu fait chair. Les trois apôtres découvrent enfin la beauté du Christ, cette beauté qu’il nous offre dans le baptême : l’eau de la femme de Samarie est notre troisième dimanche de Carême.

Au lieu d’un combat étriqué autour de la suppression d’un carré de chocolat, le Carême est le merveilleux combat de l’ouverture de nos yeux pour qu’ils voient vraiment la beauté du Christ et la nôtre. Comme les apôtres, nous sommes des aveugles de naissance. Notre nature humaine, par elle-même, est incapable de voir que Dieu est beau et qu’il nous offre de partager sa beauté. Par nous-mêmes, nous sommes capables d’imaginer un Dieu de colère et de vengeance. Mais, par nous-mêmes, nous sommes incapables de concevoir unDieu qui soit uniquement amour, un Dieu qui pardonne. Nous sommes des aveugles de naissance; notre nature est trop limitée pour atteindre Dieu tel qu’il est.

Par la foi, le baptême nous ouvre les yeux. C’est par le baptême que nous pouvons enfin voir la beauté de Dieu, comme les apôtres l’ont vue lors de la Transfiguration. Le sens du combat du Carême consiste à garder les yeux ouverts. Chaque jour, il nous faut renouveler notre baptême, réouvrir les yeux sur les merveilles que le Seigneur produit dans notre vie et dans la vie de l’Eglise et du monde. C’est un vrai combat que de garder les yeux ouverts sur la beauté de Dieu, alors qu’ils sont si fascinés par la violence et par la haine. Certes, un chrétien n’est pas naïf : il connaît cette laideur, il doit la combattre parce qu’il croit qu’elle ne peut avoir le dernier mot. Il croit ce que Paul écrit aux chrétiens d’Ephèse : Réveille-toi, ô toi qui dors, relève-toi d’entre les morts, et le Christ t’illuminera.

Si le Carême est un combat, c’est ce combat là qu’il faut mener jusqu’à Pâques.

 

 

Homélie du 12 mars 2023   3ème dimanche de Carême   Année A 

Exode 17,3-7     Psaume 94     Romains 5,1-2+5-8     Jean 4,5-42

Vous connaissez la succession des évangiles du dimanche de l’année A : d’abord, les tentations de Jésus ; puis la Transfiguration ; suivent la samaritaine, comme aujourd’hui ; puis la guérison de l’aveugle-né ; et enfin la résurrection de Lazare. Qu’est-ce que cela nous dit du carême ?

Le Carême est un combat contre le mal à la suite du Christ. Mais le présenter uniquement comme un combat contre le péché en réduit le sens. C’est un combat en vue de retrouver notre beauté spirituelle. Le Carême n’est pas seulement un combat « contre », un combat en « vue de ». C’est un combat pour être transfiguré comme le Christ et avec lui. Car nous sommes fondamentalement beaux ; les péchés nous abiment, mais en surface seulement. Au plus profond de nous-mêmes réside la beauté qui nous a été donnée au Baptême : c’est ce qu’écrit Paul aux chrétiens de Rome quand il dit que nous sommes devenus justes par la foi et que nous avons l’espérance d’avoir part à la gloire de Dieu, à la beauté de Dieu. C’est cette même beauté qui va être donnée, par grâce, à nos amis catéchumènes, par les sacrements de la nuit de Pâques.

Pour accéder à notre beauté spirituelle dans le combat du Carême, des armes nous sont données : l’eau et la lumière. Durant la nuit pascale, nos amis catéchumènes recevront l’eau du baptême, la lumière de la confirmation pour communier au pain eucharistique, le pain de la vie.

Aujourd’hui, après la beauté de la Transfiguration de dimanche dernier, de quelle beauté spirituelle nous parle l’évangile de la samaritaine ? Un des moyens de de bien lire l’évangile pour qu’il ne soit pas seulement un texte, mais une parole vivante, c’est de nous identifier à un des personnages. Je ne vous suggère pas de nous identifier à Jésus, ou à la samaritaine ; je vous suggère de vous identifier au puits.

Vous connaissez la beauté d’un puits, non pas d’abord sa beauté physique, avec sa margelle, sa roue qui grince, sa corde et son seau. Non. Je parle de la beauté de ce qu’il incarne. Saint Exupéry le dit à merveille : « Ce qui embellit le désert, dit le Petit Prince, c’est qu’il cache un puits quelque part. » Ce n’est pas le puits qui se donne l’eau à lui-même ; il la reçoit par la pluie ou par infiltration. De même, nous recevons comme un cadeau l’eau du baptême. Et l’eau que nous recevons est faite pour désaltérer. La beauté du puits vient de ce qu’il contient et de ce qu’il donne.  Nous recevons le Christ pour donner le Christ. Notre beauté est d’être des disciples-missionnaires, comme le dit le pape François.

A tous, y compris à moi-même, mais surtout aux amis catéchumènes, je souhaite la beauté du puits, la beauté de celui qui reçoit et qui donne la Vie du Christ. « (Le Petit Prince) but, les yeux fermés. C’était doux comme une fête. Cette eau était bien autre chose qu’un aliment…Elle était bonne pour le cœur, comme un cadeau. »

Homélie du 26 février 2023    1er dimanche de Carême   Année A

Genèse 2,7-9 ; 3,1-7a     Ps 50    Romains 5,12-19     Matthieu 4,1-11

par le Père Jean Paul Cazes 

Quarante jour pour nous tourner vers Dieu ! C’est beaucoup et peu à la fois.

Quarante jours pour l’accueillir, Lui, et l’accepter comme le pivot de notre vie !

Bien sûr, il a une place dans notre vie, dans la vôtre comme dans la mienne. Mais le problème est bien là : on lui donne sa place, petite ou grande ; mais, en dehors de cette place, on fait tout sans lui. Un peu comme ceux qui viendraient, honnêtement, à la messe et qui, la messe terminée, vivraient leur vie sans aucun lien avec l’évangile.

Alors, quarante jours nous sont offerts pour nous permettre de découvrir que sans le Seigneur notre vie serait totalement différente. Je précise tout de suite ce que j’entends par « différente » en prenant un exemple que je pense vous avoir déjà donné. Un fiancé m’a dit un jour : Nous nous aimons, ma fiancée et moi. Avant, j’allais au travail, je payais mes impôts, je faisais du sport ; aujourd’hui, je vais au travail, je paye mes impôts, je fais du sport : rien n’est changé mais tout est différent.

C’est de cette différence-là dont je veux parler.

Croire dans le Seigneur Jésus-Christ, ne changera pas nos impôts, nos problèmes financiers, nos difficultés de santé, notre appréciation de l’action gouvernementale, notre anxiété face à la guerre en Ukraine... Notre foi ne changera pas cela, mais elle nous fait regarder tout cela d’une manière différente. Il ne s’agit pas de donner au Seigneur une place déterminée au milieu de nos activités, une place en dehors de laquelle il n’aurait, pour ainsi dire, pas moyen de sortir. Il s’agit par contre de colorer toutes nos activités avec le Seigneur, comme, au Moyen-Age, un chevalier se revêtait des couleurs de sa dame. La conversion n’est pas fondamentalement une question de quantité (dire plus de prières, aller plus souvent à la messe, donner plus aux mouvements caritatifs, même si toutes ces choses sont excellentes) ; c’est une question de coloration de toute notre vie. Ne rien changer, mais tout transformer, tout transfigurer.

Au bout de quarante jours, le Christ avait faim et soif, première tentation : il est vraiment un être humain, soumis aux exigences de la vie biologique, comme nous. Il a senti, comme nous, seconde tentation, le besoin d’être reconnu : n’est-ce pas pour nous sauver qu’il a partagé notre existence ? Il a senti aussi, troisième tentation, que le pouvoir lui était nécessaire, comme à nous, pour accomplir son œuvre.

Les besoins qu’il a ressentis sont les nôtres. Nous avons faim de pain, qu’il soit matériel ou spirituel ; nous avons faim de reconnaissance dans nos engagements comme dans notre propre famille; et, sans vouloir devenir chefs d’état, nous avons besoin d’un minimum de pouvoir pour accomplir notre devoir d’état. Tout cela, nous pouvons le vivre comme n’importe quel homme à peu près civilisé ; nous pouvons aussi le vivre comme un chrétien.

La tentation de Jésus a été d’employer pour lui-même la puissance qu’il a reçue pour nous. Or, il n’est pas venu dans ce monde pour se servir lui-même, mais pour nous servir et servir son Père. Alors, tous ses besoins de faim, de reconnaissance et de pouvoir, au lieu de les tourner vers lui, il les a tournés vers son Père. C’est ainsi que se termine la troisième tentation : « C’est le Seigneur ton Dieu que tu adoreras, à lui seul tu rendras un culte. »

Ne rien changer dans notre vie (sauf ce qui est contraire à l’évangile, évidemment), mais tout orienter vers le Père, dans l’Esprit de Jésus.

Tout transfigurer, tout orienter : c’est la description même d’une conversion qui exige un combat perpétuel.

 

Je vous laisse sur une citation de St Augustin que j’ai lue ce matin dans le bréviaire : « (Jésus) pouvait écarter de lui le diable ; mais s’il n’avait pas été tenté, il ne t’aurait pas enseigné, à toi qui dois être soumis à la tentation, comment on remporte la victoire. »

 

 

Homélie du 12 février 2023    6ème dimanche ordinaire    Année A

Ben Sira  15,15-20     Ps 118     1 Co 2,6-10     Mt 5,17-37 (lecture brève)

Par le Père Jean Paul Cazes

Notre Parlement se prépare à modifier – en bien ou en mal – toute une série de lois de grande importance : loi sur les retraites, loi sur l’immigration, loi sur la fin de vie, inscription ou non dans la Constitution d’une liberté laissée aux femmes d’avorter. L’ensemble de nos lois modèle la société française et nous donne, normalement, les éléments qui nous permettent de vivre ensemble sans nous entre-déchirer. On sent bien qu’il est nécessaire de promulguer des lois même si on a le droit de ne pas être d’accord avec telle ou telle loi. Ce qui est vrai pour la société civile est-il vrai pour la société Eglise ?

En d’autres termes, et pour être bref, la miséricorde dont Jésus est le messager et l’acteur peut-elle se passer de lois ? Dans les cas le plus souvent très délicats et douloureux de mésentente familiale, on trouve les lois de l’Eglise en ce qui concerne le remariage et l’impossibilité à recevoir les sacrements. Dans les cas de morale sexuelle, on trouve les lois de l’Eglise en ce qui concerne la difficulté à recevoir les sacrements. Moi qui accompagne le catéchuménat de notre paroisse, je rencontre des personnes qui souhaitent ardemment recevoir le baptême mais dont le style de vie est délicat. Faut-il alors passer au-delà de ces situations et ne tenir compte que du désir de ces personnes à recevoir le baptême ?

Ou autre manière de dire : l’Eglise est-elle du côté des lois, et Jésus du côté de la miséricorde ? Est-ce que les lois et la miséricorde sont opposées ? Est-ce que l’Eglise dénature le message de Jésus en imposant des lois ?

D’une certaine manière, le désir qu’il n’y ait plus de lois, ni dans la société civile, ni dans l’Eglise, vient du désir d’une société harmonieuse, ou toute personne serait intégralement respectée, ou la force serait une servante et non un levier pour écraser autrui Cette société-là est le désir même de Dieu : elle est racontée de manière symbolique dans les récits de la Création avant le premier péché ; elle est promise sous la description de la Jérusalem d’en haut qui nous est donnée dans le livre de l’Apocalypse. Une société d’amour et de respect, où la justice sera pleinement vécue sans lois.

Une justice sans lois : ici-bas, pour l’Eglise comme pour la société, il semble que ce ne soit pas possible. Notre nature humaine est trop marquée par les limites et par le péché pour que nous puissions nous passer de lois. Pour l’Eglise, le problème n’est pas d’ignorer les lois, mais de les conformer sans cesse à la pensée et aux gestes de Jésus. Jésus qui n’est pas seulement le messager de la miséricorde, mais qui est la miséricorde faite chair, ne se détourne jamais de la nécessité de la loi. Le double amour qu’il nous donne – l’amour pour Dieu et l’amour pour le prochain – est présenté par lui comme une loi fondamentale. Ce qui signifie que lui-même n’oppose pas miséricorde et loi puisque ce double amour est une loi.

Je vous ai fait grâce de la lecture complète de l’évangile puisque j’en ai seulement retenu la lecture brève. Dans le verset 17 – que je n’ai donc pas lu – Jésus affirme : « Ne pensez pas que je sois venu abolir la Loi ou les Prophètes : je ne suis pas venu abolir, mais accomplir. » Et, ce qui est étonnant, c’est qu’à chaque fois, il a l’air de durcir la Loi de Moïse : « Vous avez appris …Eh bien moi je vous dis… » Et il va jusqu’à affirmer : « Si votre justice ne surpasse pas celle des scribes et des pharisiens, vous n’entrerez pas dans le Royaume des cieux. »

Alors, comment nous, chrétiens, dans nos rapports entre nous, dans nos questions de mariage, de vie sexuelle, de justice, de respect de la vie et de tant et tant de questions vitales, devons-nous être encore plus durs que les scribes et les pharisiens ? En ce cas, comment penser la miséricorde ?

Si la miséricorde de Jésus inclut la compréhension, la tendresse, l’écoute, elle s’adresse aux personnes, pas aux actes ; la dureté de Jésus vise les actes, pas la personne. En accueillant la femme adultère, il relève la personne, mais réprouve son adultère et lui demande de ne plus pécher. En demeurant chez Zachée, il restaure sa dignité de fils d’Abraham mais l’aide à changer de vie. La Loi de Moïse, que Jésus n’est pas venu détruire mais mener à son accomplissement – à son épanouissement n’est pas là pour brimer notre liberté ou pour empêcher la miséricorde. Elle est là comme un chemin de choix entre l’eau et le feu, entre la vie et la mort, comme le dit Ben Sira le Sage qui ne fait que reprendre les paroles magnifiques de Moïse dans le livre du Deutéronome : « Vois : je mets aujourd’hui devant toi la vie et le bonheur, la mort et le malheur, moi qui te commande aujourd’hui d’aimer le Seigneur ton Dieu, de suivre ses chemins, de garder ses commandements, ses lois et ses coutumes. Ainsi tu vivras … et le Seigneur ton Dieu te bénira dans le pays où tu entres pour en prendre possession. » (Dt 30,15-16) Ce pays, c’est bien autre chose que la terre d’Israël : c’est le Royaume de Dieu. Miséricorde et lois sont faits pour faciliter notre accession au Royaume.

 

Il n’est jamais facile, que ce soit pour l’Eglise en général, ou pour chacun de nous en particulier, de lier avec justesse, à la suite du Christ, la miséricorde et les lois ; mais c’est le seul chemin qui nous soit possible avec l’aide de l’Esprit Saint. Pour rester fidèles au Christ, c’est le chemin ardu qu’il faut suivre en Eglise selon la belle phrase de Ben Sira : « Si tu le veux, tu peux observer les commandements, il dépend de ton choix de rester fidèle. »